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Les cinq forces de Porter appliquées à votre environnement BI

Publication

Septembre 2015

Publié par

Julien Lemaitre

Le modèle des cinq forces de Porter fait partie des classiques enseignés dans les écoles de commerce. Il permet d’analyser l’environnement concurrentiel de la firme. L’originalité du modèle réside dans le fait que la notion de concurrence y est élargie pour intégrer tout intervenant économique susceptible de réduire la capacité des firmes en présence à générer du profit. Utilisé à bon escient, le modèle permet de cibler les facteurs clés de succès, d’orienter les choix stratégiques et la politique d’investissement afin de conserver un avantage concurrentiel.

Intéressant, me direz-vous! Mais quel rapport avec l’intelligence d’affaires? Même si vous n’évoluez pas à proprement dit dans un environnement concurrentiel, des obstacles se dressent inévitablement devant vous. Élaboré en 1979, le modèle de Porter n’en demeure pas moins
un bon outil d’analyse. Alors? Est-il possible d’appliquer le modèle de Porter à votre environnement d’intelligence d’affaires? Pouvez-vous en tirer quelques enseignements?

Je vous propose de tenter l’exercice en initiant une première analyse (*).

Restez à l’affût des dernières tendances analytiques

Le pouvoir de négociation des clients

Les clients disposent d'un pouvoir de négociation élevé quand :

  • Ils sont peu nombreux : Votre marché se réduit aux seuls collaborateurs et partenaires de l’entreprise. Autant dire si leur pouvoir de négociation est grand! Mais rassurez-vous, vous avez aussi un marché captif. Aussi, si vous adoptez la bonne stratégie, votre environnement d’intelligence d’affaites demeurera incontournable.
  • Il existe des sources d'approvisionnement de substitution : Si nous nous cantonnons à l’aspect données, il existe souvent au sein des entreprises, malheureusement, différents modes d’accès et différents systèmes qui constituent des sources de données de rechange ou concurrentes qui sont d’ailleurs plus ou moins fiables.
  • Le coût de transfert (coût que doivent supporter les clients pour changer de fournisseur) est faible et prévisible (ce qui revient à dire que l'offre est standardisée) : Côté outil, un retour vers Excel est toujours possible. Quant à changer de sources de données, le coût se limite bien souvent à l’intégration d’un fichier texte ou au paramétrage d’une connexion.
  • Il existe une menace d'intégration vers l'amont (les clients peuvent produire eux-mêmes l'offre). Avec les outils récents du type Tableau ou même Power Pivot, les utilisateurs peuvent, s’ils en ont la possibilité, se fournir en données ou se connecter directement aux systèmes sources et constituer un environnement d’intelligence d’affaires local performant et efficace.

Vos utilisateurs, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, peuvent tenter de se passer de votre environnement d’intelligence d’affaires en place. Aussi, souvenez-vous qu’en matière d’intelligence d’affaires, il n’y pas de succès technologique, il n’y a que des succès d’adoption.


La menace des produits ou des services de substitution

  • Les produits de substitution représentent une solution de rechange à l'offre en présence. Ces produits sont issus de l’évolution de la technologie ou de l’innovation.

    Nous pouvons observer deux tendances majeures :

    Le nuage (cloud) : Encore marginal il y a quelques années, le nuage constitue maintenant une option solide. Les promoteurs ont fait du coût l’argument principal. La sécurité a longtemps été une barrière psychologique. Curieusement, c’est la vitesse de déploiement et donc le délai de lancement (time-to-market) qui devient aujourd’hui le premier critère d’adoption, juste devant la sécurité! En effet, les fournisseurs assurent une maintenance et une surveillance que peu de clients peuvent s’offrir. La demande de mobilité et l’ouverture aux partenaires participent à l’accélération de l’adoption du nuage.
  • La Smart BI ou la Rapid-BI : Les outils comme Tableau ont, portés par les technologies In-memory et par l’évolution de la puissance et de la capacité mémoire des postes utilisateurs, effectué une percée remarquée dans le secteur de l’intelligence d’affaires. Tous les collaborateurs de l’entreprise sont maintenant des analystes en puissance. Les outils de découverte de données (data discovery) et de visualisation de données (data visualization) ont libéré des potentialités et renforcé leur sentiment d’appropriation : vos utilisateurs ne veulent plus être privés de ce qu’ils considèrent maintenant comme « leurs données ».

Si ces deux tendances remettent en partie en cause votre stratégie et votre architecture d’intelligence d’affaires, il faut aussi y voir une formidable occasion de livrer rapidement de la valeur. Lutter n’étant pas une option, il est préférable de prendre les devants pour établir un plan raisonné de déploiement.


La menace d'entrants potentiels sur le marché

L’arrivée de nouveaux concurrents est freinée par l'existence de barrières à l’entrée.

Voici deux nouvelles approches que nous pourrions considérer comme étant de « nouveaux entrants » :

  • La Smart BI ou la Rapid-BI : Encore? Oui, car les éditeurs de ces outils n’existaient pas encore il y a cinq ans. Ce sont donc véritablement de nouveaux entrants avec, qui plus est, une proposition de valeur inédite (l’iPhone de l’intelligence d’affaires?). Leur stratégie de conquête, quant à elle, a été aussi inhabituelle qu’efficace. En s’adressant directement aux secteurs d’activité, ils ont réussi à contourner la barrière naturelle des TI. Naturellement, tous les chefs de file du marché ont emboité le pas et disposent maintenant d’une offre comparable.
  • L’intelligence d’affaires intégrée : Faire vivre la production de rapports et l’analytique au sein même des systèmes transactionnels. Ultimement, l’intelligence d’affaires intégrée devrait permettre au vendeur d’un magasin de prendre des décisions en se basant sur des rapports accessibles directement depuis son outil du quotidien. Si l’idée est formidable, sans maîtrise, votre environnement d’intelligence d’affaires est en danger.

Ces « nouveaux entrants » constituent une menace seulement si vous les subissez. Aussi, soyez proactif afin d’exercer une certaine forme de maîtrise ou un droit de véto.

  • Si la Smart BI rencontre un écho favorable auprès des secteurs d’activité, assurez-vous que son déploiement et que l’accès aux données ne remettent pas en cause vos avancées en matière de gouvernance.
  • Si l’intelligence d’affaires intégrée vient avec un outil opérationnel, il vous sera difficile de l’adapter à vos besoins et/ou de l’enrichir avec des données externes.
  • Si votre entreprise fait le choix d’un cadre de travail permettant d’ajouter des composants d’intelligence d’affaires au parc applicatif transactionnel, assurez-vous de prendre part aux choix d’architecture afin d’assurer l’arrimage avec les actifs et les pratiques existants.


Le pouvoir de négociation des fournisseurs

L'influence des fournisseurs dépend de leur pouvoir de négociation, c'est-à-dire de leur capacité à imposer aux firmes en présence leurs conditions (en matière de coût ou de qualité).

Les fournisseurs disposent d'un pouvoir élevé quand :

  • Ils sont concentrés et peu nombreux : Depuis quelques années, le marché de l’intelligence d’affaires reste tenu par une poignée de concurrents (les cinq chefs de file détiennent 70 % du marché). Dans le service, le marché n’est pas beaucoup plus diversifié.
  • Leurs clients sont nombreux et dispersés : Le marché de l’intelligence d’affaires est vaste et concerne tous les secteurs, autant les petites que les grosses entreprises. Les fournisseurs s’adressent donc à un marché où les clients disposent de peu de visibilité sur le rendement réel des services et des outils offerts.
  • Le coût de transfert (coût que doit supporter un client pour changer de fournisseur) est élevé : Une fois que l’entreprise a fait son choix en matière d’outils comme de services, elle investit du temps et de l’argent dans le développement de composants d’intelligence d’affaires. Changer d’outil, comme changer d’équipe, n’est pas chose aisée. Un fournisseur de service part aussi avec la connaissance acquise de l’entreprise, un actif immatériel sensible.
  • Il existe une menace d'intégration vers l'aval de la part des fournisseurs : Si le risque est nul dans le service, dans le logiciel, en revanche, de plus en plus d’éditeurs proposent des solutions directement aux secteurs d’activité (ne reconnaissez-vous pas une fois de plus la stratégie des éditeurs de Smart BI comme Tableau?).

Si une entreprise doit diversifier ses sources d’approvisionnement afin de ne pas devenir dépendante, force est de constater qu’une stratégie de diversification est coûteuse et complexifie la gouvernance. Certaines entreprises font le choix inverse et se lient durablement avec des fournisseurs de services (impartition, contrat cadre, etc.) contre une baisse substantielle et durable des coûts.

Voici quelques bonnes pratiques que vous pourriez observer :

  • Soyez attentif à la feuille de route des éditeurs et à l’adhérence historique de celle-ci;
  • Privilégiez les outils où la communauté d’usagers est importante et dynamique;
  • Planifiez et étalez vos migrations dans le temps;
  • Organisez la sauvegarde du savoir-faire à l’interne.


L’intensité de la rivalité entre les concurrents

Les concurrents luttent au sein de l'industrie pour accroître ou simplement pour maintenir leur position.

Il est probable que des silos décisionnels cohabitent au sein de votre entreprise. Ces silos peuvent être géographiques, fonctionnels ou dus à l’existence de différentes activités ou unités opérationnelles. Il en résulte souvent une forme de concurrence larvée d’où résultent souvent des problèmes de qualité de données et des difficultés à consolider l’information ou à s’entendre sur la définition de règles opérationnelles.

Il s’agit probablement de la forme de concurrence la plus féroce. Elle pose non seulement des problèmes d’efficacité évidents, mais constitue un frein à la croissance en créant un manque de visibilité et un affaiblissement de la capacité à exécuter la stratégie. Le défi consiste donc à transformer la lutte en collaboration, à faire converger les pratiques et les initiatives dans le cadre d’une structure et d’une organisation dédiées.


La « 6e force » : les pouvoirs publics

Dans le modèle proposé par Porter, les pouvoirs publics (l’état, les collectivités locales, les agences de régulation, les organisations internationales, etc.) n’y figurent pas en tant que tels (Porter lui-même s’y oppose). Pourtant, la législation et les règlements conditionnent la manière dont chacune des forces s’exercent sur l’environnement.

  • Transparence : Depuis l’éclatement de la première bulle Internet et les premières discussions de Bâle II en 2001, la pression s’intensifie sur les entreprises pour plus de transparence. La crise de 2008 n’a fait qu’accélérer le mouvement et la quantité de rapports que les entreprises doivent fournir aux organismes de régulation est maintenant représentative.
  • Gouvernance : Depuis peu, les instances mondiales de la régulation vont jusqu’à exiger la mise en place de structures de gouvernance et d’infrastructures informatiques dédiées. Ainsi, par exemple, BCBS 239 édicte des principes aux fins d’agrégation des données sur les risques et de la notification des risques pour les institutions bancaires et les régulateurs locaux.


La gouvernance de demain reste à inventer

Tout comme le paysage de l’intelligence d’affaires a été transformé par la Smart BI, la Self BI et le nuage, il doit en être de même pour la gouvernance. Une approche aussi simple que le verrouillage de toutes les données d'entreprise ne pourra pas fonctionner. La suppression de tous les processus de contrôle ne sera pas plus efficace.

Dans un contexte de demande croissante pour une intelligence d’affaires agile, il vous faut à la fois saisir les occasions offertes par les évolutions technologiques et maîtriser l’accès aux données ainsi que la qualité de celles-ci. Nul doute que les organisations commenceront à investiguer sur la signification de la gouvernance dans un monde d'analyse en libre-service.

Note : (*) Si, par définition, le modèle des cinq forces de Porter caractérise un environnement concurrentiel et non une firme en particulier (pour tous les concurrents en présence, l'analyse est la même et les facteurs clés de succès sont identiques), étant donné le cadre d’application retenu (l’environnement d’intelligence d’affaires de votre entreprise), il vous faudra adapter cette analyse à votre réalité.

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